Les figuiers étrangleurs, des arbres essentiels
Vous ne le croirez pas en vous trouvant nez à tronc avec un figuier étrangleur mais ils font partie du même genre que les Ficus que nous trovons dans les petits pots de fleurs de nos intérieurs. On reconnaitra d’ailleurs la forme et la couleur des feuilles.
Véritable garde-manger pour la forêt et les animaux frugivores, plus de 1200 espèces se nourrissent de figues tout au long de l’année. Son importance est donc essentielle.
Les ficus sont présents dans la plupart des forêts costariciennes jusqu’à 1800m d’altitude. Il est facilement observable au Rincon de la Vieja, Arenal, Corcovado ou encore Monteverde. Il existe plus de 750 types de figuiers dans le monde. On peut en trouver de gigantesques, certains avec le tronc creux. Mais comment est-ce possible ?
Le Figuier étrangleur, un arbre qui vit au détriment d’un autre
Pour mieux comprendre le phénomène « d’étranglement » du ficus, il nous faut parler de ses racines.
Le figuier étrangleur est un arbre Hémiépiphyte, c’est-à-dire qu’il est capable de vivre de manière épiphyte (il pousse sur un autre support que la terre) durant une partie de son cycle biologique.
Expliquons un peu plus en détail le processus.
La croissance d’un figuier
Une graine est ingérée par un oiseau. Celui-ci émet une déjection et celle-ci tombe sur une branche en hauteur.
De cette graine, va naitre des feuilles qui auront, comme pour la plupart des autres végétaux la fonction de collecter les rayons lumineux afin d’effectuer la photosynthèse. Et des racines dites aériennes. Celles-ci vont, par gravité, croitre vers le sol. Une fois le sol atteint la plante va pouvoir se nourrir des nutriments de celui-ci.
La racine aérienne va ensuite, toujours en ayant pour point d’ancrage la zone où elle a touché terre, grandir en venant se coller petit à petit au tronc de l’arbre sur lequel la graine a été déposée.
Une fois le tronc hôte atteint, c’est un véritable réseau de racines qui vont venir adhérer au tronc. Ces racines vont ensuite grandir en épaisseur jusqu’à venir se toucher les unes des autres.
Les racines ainsi « collées » vont, pour certaines, fusionner, se souder et former une racine plus grosse.
Le figuier devient ainsi un arbre autoporté et n’a plus besoin du support sur lequel il a poussé pour se soutenir.
A l’opposé les branches et les feuilles du Figuier étrangleur vont se développer ver la cime. Les figuiers étrangleurs possèdent une frondaison très dense. Elles vont donc chercher à dépasser la cime de l’arbre hôte. Il va ensuite avoir une compétition pour la captation de la lumière. La frondaison du figuier étrangleur étant ample et fournie, elle empêchera l’arbre hôte de capter suffisamment de lumière pour survivre.
C’est ainsi que l’arbre hôte, « étranglé », sans lumière suffisante pour réaliser sa photosynthèse et sans possibilité de croissance du fait du treillis formé par le figuier étrangleur va, petit à petit, mourir et pourrir en son creux. Il ne restera que les racines aériennes extérieures et un espace béant entre celles-ci.
Certains creux sont si grand qu’il est possible de monter à la cime du figuier étrangleur par l’intérieur.
Ces cavités et systèmes racinaires forment des micro biotopes pour de nombreuses espèces. On considère que près de 45.
La croissance du figuier en résumé
- Dispersion de la graine par un agent extérieur (oiseaux, chauve-souris, etc.).
- Développement de feuilles et de racines aériennes en mode épiphyte.
- Les racines aériennes touchent le sol.
- Les racines se développent autour du support et forme un treillis.
- Les branches et les feuilles prennent le dessus sur les feuilles de l’arbre support.
- Petit à petit l’arbre hôte pourrit.
- Il ne reste que le figuier étrangleur avec en son centre un vide laissé par l’arbre hôte décomposé.
Un mode de reproduction unique
Avant tout il faut savoir que nous ne consommons qu’une seule variété de figue parmi les plus de 750 espèces de figuiers de la planète. Nous consommons la figue du figuier commun.
La figue n’est pas un fruit, il s’agit en fait d’une structure appelée Siconum qui contient les fleurs du figuier. Il y en a des centaines par figue. Le figuier ne peut donc pas compter sur le vent pour polliniser ses fleurs. C’est là que la guêpe joue un rôle primordial.
Cette particularité amène une reproduction bien spécifique et unique. Afin de pouvoir se reproduire, les figuiers ont développé une relation mutualiste avec des guêpes (en majorité de la famille des Agaonidae) de taille millimétrique. Cette relation mutualiste est tellement importante que ni le figuier ni la guêpe ne peuvent se reproduire séparément.
Comment se passe la reproduction du figuier ?
Nous l’avons vu, les figues ne sont pas des fruits mais des inflorescences inversées dans lesquelles sont contenues des centaines de fleurs.
Le biologiste Luciano Palmieri Rocha a établi un cycle de reproduction en 7 phases.
Phase A : Les fleurs femelles ne sont pas encore matures. Elles murissent peu à peu et deviennent prêtes à être fertilisées. Les figues sont alors réceptives aux guêpes pour la pollinisation et les figues émettent de grandes quantités de composés volatiles qui vont avoir un rôle attractif pour les guêpes. Commence alors la phase B.
Phase B : La guêpe femelle doit passer par un petit trou, l’ostiole, pour accéder aux fleurs de la figue.
Ce trou est si petit que la femelle va y perdre ses ailes et ses antennes en s’y engouffrant. La guêpe femelle ne pourra donc plus sortir de la figue. La guêpe mourra après avoir pondu ses œufs.
La ponte des œufs de la guêpe pourra se faire dans de nombreuses fleurs. C’est en permettant à la guêpe de pondre ses œufs dans ses fleurs que la guêpe va polliniser les autres fleurs. Les fleurs ayant reçue les œufs vont durcir e former des structures dites « galles ».
Phase C : Les fleurs n’ayant pas reçues d’œufs et ayant été pollinisées vont se transformer en graines.
Phase D : Il s’agit de la fin de la période d’incubation des larves dans les fleurs. Les fleurs mâles vont aussi murir et expulser des anthères qui contiennent le pollen.
Il y a une réelle synchronisation entre la maturation des fleurs mâles et la fin du développement des guêpes.
Les guêpes mâles, petites et sans ailes possèdent de puissantes mandibules. Elles sortent les premières des fleurs réceptrices puis parcourent les fleurs dans lesquelles sont situées les guêpes femelles. La guêpe mâle va alors développer un pénis télescopique qui va traverser l’enveloppe qui protège la guêpe femelle. La reproduction aura lieu à l’intérieur de cette enveloppe. Une fois la reproduction terminée, la guêpe mâle va creuser un trou dans la figue avec ses mandibules, sortir, tomber sol et mourir.
Les femelles sortent alors des fleurs réceptrices. En se dirigeant vers le trou creusé par le mâle, les femelles vont se frotter aux fleurs possédant le pollen et elles polliniseront ainsi d’autres figuiers.
Phase E : Les femelles s’envolent à la recherche d’autres figuiers. Il s’agit de la phase de dispersion.
Phase F : Il s’agit, selon M.Rocha, d’une phase écologique. En effet, il a été trouvé des larves d’autres espèces dans les figues, sans que celles-ci n’aient de rôle de reproduction pour le figuier. Nous pouvons citer les mouches, coléoptères, fourmis, papillons, mites ou encore punaises. Elles utilisent les figues soient mortes au sol soit directement sur l’arbre pour plusieurs fonctions mais sans rôle de pollinisation.
Ainsi, les figues abritent plus d’espèces sauvage que n’importe quel autre fruit.
Pour en savoir plus sur cette étude : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1146609X17300395
Un arbre qui communique
Afin de pouvoir assurer sa reproduction sans entrer en compétition avec les autres espèces de figuiers qui se trouveraient dans son environnement proche, il a développé une technique de communication.
Lorsque le figuier est prêt à se reproduire il va émettre des composés volatiles (Phase A) qui vont être recus par les autres figuiers de la zone. Ceux-ci vont alors différer leur cycle de reproduction. Une fois le cycle de reproduction du premier figuier achevé, un autre figuier prendra la suite en émettant également des composés volatiles pour indiquer aux autres figuiers que c’est à son tour.
Le figuier étrangleur, un arbre légendaire
L’histoire de l’humanité a, de tout temps, fait la part belle aux figuiers.
Bouddha aurait attient l’illumination sous un figuier. Une branche aurait alors été coupée par Ashoka le Grand, empereur indien et lui a accordé le statu de roi et lui offrant un vase en or massif.
Le figuier étrangleur est tellement vénéré que l’Indonésie et la Barbade l’ont intégré dans leurs armoiries.
Alexandre Le Grand, le grec Théophraste, le roi Salomon d’Israël, les romains ou encore le peuple védique ont vanté les figuiers.
Le botaniste Théophraste sera le premier à avoir mentionné la présence de petits insectes qui sortaient des figues.
Le roi Nabuchodonosor II a planté des ficus dans les jardins de Babylone.
Les pharaons faisaient mettre des figues séchées dans leur tombe afin de nourrir leur âme pendant le grand voyage.
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