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L’ananas du Costa Rica
L’ananas du Costa Rica
Il y a des mots, des titres qui évoquent plus de choses que d’autres. L’ananas du Costa Rica aura des goûts d’exotisme pour beaucoup, des saveurs en bouche pour d’autres ou sonnera comme un titre de film d’horreur pour certains.
Mais alors pourquoi tant de différence dans l’appréhension de ce fruit exotique ?Nous allons essayer de faire le point sur l’ananas au Costa Rica, sur son histoire, sa culture et les effets de sa production sur l’environnement. Nous tenons à préciser que nous tenons un rôle d’observateur neutre, objectif et prenons nos informations de plusieurs sources fiable et expérimentées afin de vous donner une vision globale et réelle de la production d’ananas au Costa Rica. Ces sources sont des producteurs d’ananas organiques (don Belicio à Boca Tapada), la CANAPEP (chambre nationale de production d’ananas et d’exportation) pour ne citer qu’eux.
Petit rappel historique
La production d’ananas au Costa Rica a connu deux phases importantes. Dans les années 60, elle était encore à un niveau artisanal. En effet, la production était destinée à la consommation locale et n’utilisait pas ou très peu de procédé de maturation du fruit. Au début des années 80, commence la deuxième phase. Celle de la production industrielle, de l’exportation internationale et de l’utilisation d’engrais et d’induction artificielle. Ce sont les compagnies Piñera del Sur et la multinationale Chiquita qui commenceront cette production massive. Les grands producteurs de l’époque étaient le Honduras, l’Equateur ou encore le Mexique. Le Costa Rica n’en était qu’à ses débuts. Si au début des années 70 la totalité de la production était réservée à la consommation locale, de nos jours elle ne représente plus que 7%. Le reste de la production est envoyé dans le monde entier.Importance économique
La culture d’ananas occupe près de 45 000 hectares du territoire costaricien. Cela représente environ 0,8% du territoire uniquement pour cette culture. L’ananas est devenu le produit phare du Costa Rica. Nous en trouvons sur tous les étals des supermarchés. Qui n’a pas mangé son ananas du Costa Rica ? Économiquement, l’ananas a rapporté 941.95 millions de dollars US en 2017. Si l’on compare avec les chiffres de 2011 (789.41 millions de dollars US) l’augmentation est significative. L’ananas représente aujourd’hui près de 32 000 emplois au Costa Rica. Pour un total de 145 société exportatrices et environ une soixantaine d’usines de conditionnement.
La culture conventionnelle de l’ananas
Nous ne rentrerons pas dans les détails techniques de cette culture, là n’est pas le but de cet article. Nous présenterons néanmoins les aspects les plus significatifs de sa production. La production d’ananas nécessite une année complète pour offrir des fruits.Quelles sont les conditions pour produire de l’ananas ?
Les sols doivent être plutôt acides, drainants, exposés au soleil et pouvoir être irrigués durant la saison sèche. Les sols doivent être préparés et enrichis en engrais (épandage de la fumure de fond) pour pouvoir accueillir l’ananas. Car celui-ci a un pouvoir d’enracinement très faible. Les variétés d’ananas produits ont changé au cours du temps. Si la variété Cayenna Lisa était la principale produite dans les années 80, le Costa Rica est passé rapidement à la production de Champaca et produit actuellement la star de l’ananas mondial : la Golden.Comment plante-t-on un ananas ?
La production d’ananas se réalise uniquement par rejets. La plante mère produit plusieurs types de rejets et la sélection du meilleur rejet est d’une importance économique essentiel. En effet, le rejet doit peser entre 300 et 400 gr pour donner ensuite le meilleur fruit. Les rejets préparés, seront plongés dans une bouillie insecticide fongicide avant d’être plantés. Il est de bon usage de planter les rejets selon les quantités allant de 55 000 à 77 000 plants par hectare. Une même parcelle peut être exploitée 3 années de suite, mais les fruits perdront en qualité et en poids au fil des ans. L’ananas étant peu compétitif face aux adventices et autres maladies, il y a un besoin en engrais très important pour faire arriver à maturité le fruit. Les principaux dangers de la production d’ananas sont les cochenilles, les adventices et les pourritures à phytophtora.L’induction florale
Naturellement l’ananas aura une induction grâce à une baisse des températures, à une diminution de la durée du jour ou à la fumée. En pratique agricole conventionnelle, cette induction sera artificielle. Elle est produite à base d’une bouillie à base d’ethrel. Elle se réalise entre six mois et un an. L’épandage sera réalisé de préférence le soir.La récolte
L’ananas peut être récolté dès que le quart inférieur du fruit devient jaune. (Mais cela va dépendre du consommateur et de l’acheteur). La récolte se fait à la main. On sectionne le pédoncule environ 2 cm à la base du fruit. La couronne peut être enlevée selon les préférences de l’acheteur.L’ananas organique


Effets de la culture d’ananas
Au Costa Rica, l’ananas n’a pas vraiment bonne réputation. En effet de nombreuses zones ont été « détruites » par cette culture. Les anciennes forêts se sont vues transformées par des champs d’ananas qui ont brulé les sols du fait de la quantité énorme de produits chimiques nécessaires à sa production. Certains villages ne pourront plus utiliser l’eau de leur nappe phréatique à cause de l’infiltration de ces produits à travers le sol. La biodiversité s’en voit énormément affectée, car plus rien ne repousse plusieurs dizaine d’années après la production d’ananas. Des habitats sont donc détruits et reprendrons beaucoup de temps avant de se réimplanter. Si le danger environnemental est évident, l’impact social provoque un malaise grandissant. Les maladies des travailleurs, les salaires faibles et les conditions de travail difficiles dans les champs rendent la production d’ananas difficile à défendre par les exportateurs. Le fait qu’il y ait un fossé entre les bénéfices économiques énormes des grosses sociétés et les conditions de travail difficiles d’un côté et l’impact environnemental de l’autre font que l’ananas soit grandement impopulaire.Et pour le consommateur ?
Il est bien sûr recommandé de consommer un ananas organique plutôt qu’un ananas conventionnel. Mais tout va dépendre de nos supermarchés et autres chaines de distribution. Cependant, le consommateur éduqué pourra faire pression auprès de son fournisseur de fruit préféré pour l’orienter vers l’achat de fruits organiques.